En 2023, l’emploi des cadres toujours en bonne santé par Sarah Dupont (La Croix)

Sarah Dupont

L’Association pour l’emploi des cadres (Apec) anticipe le recrutement de 309 000 cadres en France cette année, un chiffre record qui poursuit la dynamique observée depuis 2020.

Malgré les incertitudes économiques persistantes et des difficultés de recrutement, les embauches de cadres ne fléchiront pas en 2023. L’Association pour l’emploi des cadres (Apec) anticipe 308 800 embauches en France dans le secteur privé. « Soit une année record supplémentaire, dans la continuité de la forte reprise économique post-pandémie », se réjouit Gilles ­Gateau, son directeur général, qui présentait ses perspectives mardi 4 avril.

Car 2022 figurait comme année « historique » : elle a enregistré 308 300 recrutements sur le marché du travail, soit 15 % de plus qu’en 2021. « 2023 affiche donc une stabilité plutôt qu’une croissance, mais à un plateau haut, analyse Laetitia Niaudeau, directrice générale adjointe de l’Apec. La guerre en Ukraine, l’inflation et la crise énergétique n’ont donc pas dissuadé les entreprises ­d’embaucher. »

À ces recrutements s’ajoutent les promotions internes de salariés non-cadres au statut de cadre : elles atteignent 63 500 en 2022, soit 14 % de plus qu’en 2021. « Un levier utile pour faire face aux difficultés de recrutement », souligne Gilles Gateau. Pour autant, leur part dans la totalité des postes de cadres pourvus reste inchangée, se stabilisant autour de 18 % depuis dix ans. «Les entreprises répondent à leurs besoins plutôt par des embauches externes, notamment de jeunes diplômés, en plus grand nombre qu’il y a dix ou vingt ans », poursuit le directeur général.

Du côté des sorties – départs à la retraite, démissions, licenciements et ruptures conventionnelles –, les flux sont globalement à la hausse sur les quinze dernières années. En 2022, elles atteignaient presque 292 000, chiffre le plus haut depuis 2008. Environ 40 000 sont des départs à la retraite, une donnée à peu près stable depuis 2016. Quant au reste, « il s’agit avant tout de démissions, même si nous sommes loin de la “grande démission” à l’américaine », soutient Gilles Gateau. En combinant ces différentes données, l’Apec conclut à un peu plus de 80 000 créations nettes de postes de cadres en 2022. Là encore, la donnée est la plus importante sur les quatre dernières années.

Comment expliquer la bonne santé de l’emploi cadre malgré les instabilités économiques qui se bousculent ? Tout d’abord, ce dernier « dépend plus de la variable investissement que de la consommation, en souffrance ces derniers temps », commente le directeur général de l’Apec.

À cela s’ajouterait la crainte des employeurs de ne pas trouver les compétences dont ils auront besoin demain : « Il y a l’idée que différer les embauches, c’est prendre le risque de ne pas les réaliser. En outre, les délais de recrutement s’allongent : il fallait compter en moyenne onze semaines en 2022 contre huit en 2021 », continue Gilles Gateau. Enfin, l’Apec évoque le débat de certains économistes sur un potentiel ralentissement des gains de productivité en France, qui pourrait expliquer le « besoin de remettre de l’humain ».

Or, parmi les secteurs les plus demandeurs de cadres figurent en premier lieu les services à forte valeur ajoutée : informatique, télécommunications, ingénierie, recherche et développement, ou encore les activités juridiques, comptables, de conseil et la banque-assurance.

De son côté, l’emploi des jeunes cadres devrait tirer son épingle du jeu de ces dynamiques. Fragilisé par la pandémie, ce dernier a repris des forces en 2022 : les diplômés avec moins d’un an d’expérience représentent 17 % des recrutements, soit 54 200 postes pourvus (contre 47 300 en 2019). Leur insertion professionnelle est bonne : 88 % occupent un emploi dans les douze mois après l’obtention de leur diplôme, pour une rémunération médiane de 32 000 € brut annuels. L’Apec observe toutefois des écarts salariaux selon le sexe dès les débuts de carrière : en moyenne 34 000 € pour les hommes, contre 28 500 € pour les femmes.

En dépit de ces chiffres prometteurs, 80 % des entreprises anticipaient des difficultés à embaucher leurs cadres au premier trimestre 2023. En 2022, un quart d’entre elles ont même été amenées à abandonner au moins un projet d’embauche de cadre.

Les raisons avancées sont multiples : manque de candidatures pertinentes, désistements, refus Pour faire aboutir les démarches, la majorité des entreprises se dit ouverte à faire des ajustements à court terme sur le salaire. 65 % des grandes sociétés et 52 % des PME sont notamment prêtes à l’augmenter d’au moins 5 %. Pourtant, en parallèle, la situation des cadres seniors ne s’améliore pas. En 2021, seulement 6 % des cadres recrutés avaient plus de vingt ans ­d’expérience

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